Le Centro de Estudos Africanos da Universidade do Porto et le Groupe de Recherche Universitaire sur les Mutations en Afrique (GRUMAC) organisent un :
Colloque international
Appel à communications
Guerre d’indépendance, guerre de libération nationale, guerre du Cameroun, maquis, rebellions armées, troubles, guerre civile, subversion, pacification, les événements du Cameroun… Pourquoi jusqu’aujourd’hui la communauté scientifique et même le pouvoir politique n’arrive pas à nommer ce qui s’est passé au Cameroun de 1957 à 1971 ? « Mal nommer les choses c’est ajouter malheur du monde » disait Albert Camus. Au malheur de la défaite du camp national s’est ajouté pour ceux qui avaient combattu l’ordre colonial, une sorte de déchéance morale. On leur a fait croire qu’ils avaient eu tort de se rebeller. Bien qu’ils sachent que sur le plan moral, ils avaient raison, l’ordre politique sorti du conflit leur a assené un sentiment de honte. Pourquoi cela ? Comment sommes-nous arrivés là ?
De tous les territoires subsahariens administrés par la France, le Cameroun fut le seul à recourir à la lutte armée pour se libérer de l’emprise coloniale et conquérir son indépendance. Portée par des paysans, des ouvriers et des intellectuels rompus à l’action politique et syndicale, la lutte nationaliste connut un tournant majeur dès 1948 avec la naissance de l’Union des Populations du Cameroun (UPC). Ce parti incarna l’opposition à l’ordre colonial aussi bien dans le Nord du pays que dans le Sud. Depuis la ville de Douala, il s’imposa dans le débat public à travers des meetings, des réunions, des tournées, des pétitions et les unités de bases disséminées dans les villes et les villages. À cela s’ajouta l’envoie des représentants aux Nations Unies et aux conférences anti-impérialistes organisées à travers le monde. Cette intense activité politique, incarnée par les leaders comme Ruben Um Nyobè, Félix et Marthe Moumié ainsi que la masse de militant(es) anonymes, donna au mouvement de se positionner dès le début des années 1950 à l’avant-garde du mouvement de résistance à la politique assimilationniste de la France en Afrique.
Un tel projet qui remettait en cause toute la politique coloniale rencontra évidemment une vive opposition de l’administration et du pouvoir politique français. Le résultat fut l’interdiction de l’UPC et surtout la guerre qui dura plus d’une dizaine d’années. Seulement, et contrairement à ce qui se passa en Algérie, ce ne fut pas le camp indépendantiste qui gagna la guerre mais les adversaires résolus du projet et particulièrement la France.
« La France accorda l’indépendance à ceux qui la réclamaient le moins, après avoir éliminé politiquement et militairement ceux qui la réclamaient avec le plus d’intransigeance ; dans les régions Bassa et Bamiléké ; l’ordre n’est pas encore complètement rétabli le 1er janvier 1960, lorsque le Cameroun sous administration française devient indépendant. »[1]
Les nouvelles autorités mises en place par la France et qui étaient d’ailleurs quelques années auparavant, des adversaires résolus de l’indépendance et de la réunification, décidèrent faute d’une légitimité historique de fonder la nouvelle république sur l’oubli et l’amnésie. Par une série de lois notamment celles portant sur la répression de la subversion et sur l’État d’exception sans oublier les actes d’autorité, le régime Ahidjo confisqua la production de la pensée et de la parole, transformant le nouvel Etat qui venait de naître et qui depuis octobre 1961 s’appelait République fédérale
du Cameroun en une sorte de dictature fondée sur la répression et la peur.
Malgré tous ces verrous politiques, administratifs et mémoriels qui refusent de passer continuent d’impacter la vie politique au Cameroun et à influencer les rapports de coopération entre le Cameroun et la France plus de 60 ans après la guerre.
Ainsi, il a fallu une forte pression de la population au bénéfice du combat pour la démocratie et les élections justes et transparentes pour que le sujet tabou de la ‘Guerre du Cameroun’ resurgisse dans le débat national et que le pouvoir politique lâche du lest en promulguant la loi N°91/022 du 16 décembre 1991 sur la réhabilitation de certaines figures de l’Histoire du Cameroun. Seulement on attend en vain depuis plus de 30 ans le décret d’application de cette loi.
Aussi bizarre que cela paraisse, cette guerre non ou mal nommée est une guerre dont les principales archives se trouvent hors du Cameroun, précisément en France. L’attitude des autorités de ce pays a contribué à envelopper cette partie de notre histoire d’un voile noir. En mai 2009, le Premier Ministre de la France d’alors François Fillon en visite à Yaoundé qualifia les évènements de 1957 à 1971 et la rétention des archives de cette période par la France de « pure invention ».
Il a fallu attendre la visite à Yaoundé en juillet 2015, du Président Français François Hollande pour que ce dernier reconnaisse « qu’il y a eu des épisodes tragiques dans l’histoire. Il y a eu une répression dans la Sanaga-Maritime, en pays bamiléké et je veux que les archives soient ouvertes pour les historiens ». Cette promesse qui fut tenue très partiellement ne mit pas fin à la querelle et ne combla pas les attentes de tous ceux qui espéraient une nouvelle ère dans les relations entre la France et le Cameroun au sujet de cette guerre et de son écriture. Le Président Français, Emmanuel Macron lors de son voyage en terre camerounaise en 2022, promit la mise en place d’une commission mixte France-Cameroun chargée de dégager la responsabilité de la France dans les évènements des années 50 et 60 au Cameroun. En attendant les conclusions de cette commission, il faut relever que cette décision unilatérale de la France aboutit contrairement à ce qui a été dit, à la mise sur pied d’une commission nommée, financée et contrôlée de bout en bout par la partie française. A l’observer de près, il convient de constater que certains de ses membres ne sont pas des spécialistes de la question alors qu’il existe à travers le monde des personnes oubliées qui ont énormément travaillé sur cette thématique.
Au regard de tout ce qui entoure ces évènements, il importe de relever que cette partie de notre histoire est entièrement en friche. Malgré quelques publications dont certaines de bonnes factures, des thèses et mémoires des étudiants, les zones d’ombres et les non-dits restent énormes. Comme nous l’avons relevé plus haut, les archives sur cette période sont éparpillées dans plusieurs sites au Cameroun et en Europe principalement en France. Certaines de ces archives sont gardées secrètes, d’autres négligées ou livrées à une destruction naturelle et progressive.
Le regain d’intérêt soulevé par cette question, (commission Macron par exemple) ainsi que par l’ouverture contrôlée des archives et les témoignages écrits des acteurs de tous bords ne sont-ils pas des occasions à saisir pour revisiter cette histoire, soulever et aborder un certain nombre de questions ? Pourquoi ces évènements longtemps occultés font encore l’objet de la méfiance de l’élite dirigeante ? Par ailleurs, qu’est-ce que les nationalistes camerounais de cet épisode avaient-ils fait de mal pour que leur mémoire subisse une pareille amnésie ?
Le présent colloque entend aussi plonger dans les méandres de la guerre pour ressortir et mettre en lumière ces aspects marginalisés ou négligés. Il entend également être le laboratoire des analyses scientifiques où les contributions et les débats permettront de s’accorder sur la nomination de ces évènements, de lever l’amnésie et de donner la parole aux acteurs qui, jusqu’à présent ont été considérés comme des personnes de secondes zones et sans importance. Les récits et les parcours de vies vont donc à coté de nombreux autres aspects constituer une des sections centrales de ce colloque.
Ce colloque portant sur la guerre non ou mal nommée du Cameroun’’ s’adresse aux enseignant(es), aux chercheurs et chercheuses, aux organisations, aux doctorants ainsi qu’aux praticiens et souhaite aborder les axes thématiques suivants :
- Les parcours de vie des combattants et des militants nationalistes ;
- Les espaces méconnus de la résistance : les fronts de l’Est, du Sud et du Centre ;
- Les formes de résistance et de contre-résistance ;
- Le maquis dans les centres urbains et la guérilla urbaine ;
- L’internationalisation de la résistance ;
- La contribution des femmes et des enfants ;
- L’économie de la guerre ;
- Les récits de vies et les témoignages ;
- L’héritage du maquis au Cameroun ;
- La guerre du Cameroun vue par les autres pays (coloniaux et anticoloniaux) ;
- Les défis de la conservation de la mémoire du mouvement nationaliste au Cameroun ;
- Les effets de la guerre sur les us et les coutumes locales (cérémonies rituelles, veuvage, conservation des reliques, funérailles, obsèques, etc.) ;
- Les idées, raisons et objet de propagande politique par les nationalistes
- Camerounais(es) ;
- Les publications des témoins (population locale et témoins étrangers)
- Photographies de guerre ; techniques de collecte et de conservation modes d’usage ;
- La guerre et les relations entre la France et le Cameroun ;
- La circulation des armes durant la guerre du Cameroun ;
Envoi des propositions de communications
Les propositions doivent inclure :
- L'identification de l'auteur (nom, prénom, affiliation institutionnelle)
- Titre de la communication proposée
- Un résumé de 300 mots maximum en français ou en anglais
Une attention particulière sera portée sur les travaux originaux qui s’appuient sur des enquêtes de terrain et des données empiriques.
Les propositions doivent utiliser les adresses suivantes :
Este endereço de email está protegido contra piratas. Necessita ativar o JavaScript para o visualizar. et Este endereço de email está protegido contra piratas. Necessita ativar o JavaScript para o visualizar.
Calendrier
Lancement de l’appel à communications : 15 janvier 2025
Date-limite pour la soumission des propositions : 10 avril 2025
Validation des propositions : 30 avril 2025
Comité scientifique
Pr. Aimé Norbert MELINGUI (Université de Douala)
Pr. Albert François DIKOUME (Université de Douala)
Pr. Alexis TCHEUYAP (Université de Toronto)
Pr. Claire LAUX (Université de Bordeaux)
Pr. David MOKAM (Université de Ngaoundéré)
Pr. Edmond MBALLA ELANGA (Université de Douala)
Pr. Emmanuel KAM NYOGO (Université de Douala)
Pr. Emmanuel TCHUMTCHOUA (Université de Douala)
Pr. Eugène Désiré ELOUNDOU (ÉNS, Université de Yaoundé I)
Pr. Ernest MESSINA MVOGO (Université de Douala/CERDYM)
Pr. Faustin KENNE (Université de Yaoundé 1)
Pr. Flora AMABIAMINA (Université de Douala)
Pr. Hubert BONIN (Université de Bordeaux)
Dr. Jacob TATSITSA (Université d’Ottawa)
Pr. Jean-Baptiste NZOGUE (Université de Douala)
Pr. Jeannette WOGAING FOTSO (Université de Douala)
Pr. Jérémie DIYE (Université de Maroua)
Pr. Jules KOUOSSEU (Université de Dschang)
Pr. Maciel SANTOS (Université de Porto-CEAUP)
Pr. Maginot NOUMBISSIE TCHOUAKE (Université de Dschang)
Pr. Mérédith TERRETA (Université d’Ottawa)
Pr. Mourad ATY (Guelma University-Algeria /CEAUP/R&D Research– Portugal)
Pr. MOUSSA II LISSOU (Université de Yaoundé I)
Pr. Nadège NGO LEND (Université de Douala)
Pr. Pascal Isidore NDJOCK NYOBE (Université de Douala)
Pr. Raymond EBALE (Université de Yaoundé I)
Pr. Robert KPWANG KPWANG (Université de Douala)
Pr. Roland AFUNGANG (CEAUP)
Dr. Simon NKEN (Lycée Français Dominique Savio-Douala)
Pr. Thomas WILKINSON (CEAUP)
Pr. YOMB (Université de Douala)
Pr. Zacharie SAHA (Université de Dschang)
Comité d'organisation
Dr. Amadou SOULEYMANOU (Université de Douala)
Dr. Carla DELGADO (CEAUP)
Dr. Démonster-Ferdinand KOUEKAM (Université de Douala)
Pr. Emmanuel TCHUMTCHOUA (Université de Douala)
Dre. Edith Marguerite EKODO MVONDO (UVS/Paris-Saclay)
Dr. Ferdinand Marcial NANA (Université de Douala)
Dr. Ferdinand NGA ONANA (Université de Douala)
M. Frank Cypriany DJIOMWO NZINKEU (Université de Douala)
Dr. Gilbert WATE SAYEM (Université de Dschang)
Dr. Gildas Igor NOUMBOU TETAM (Université de Lausanne)
Dr. Jorge TEIXEIRA (CEAUP)
Dr. Manuela BARBOSA (CEAUP)
Pr. Maciel SANTOS (Université de Porto-CEAUP)
Dr. Prince Nico TCHOUDJA (Université de Douala)
Dr. Valérie FENNOU TIGOUM (Université de Douala)
Dr. Yannick ZO’OBO (Université de Douala)